Gestion des déchets dangereux des entreprises : que dit la loi ?
Les entreprises ont la responsabilité de la gestion de leurs déchets dangereux : identification, traitement, traçabilité, le point sur les obligations.
Mis à jour le 21 mai 2025Stéphanie Brassart - Responsable marketing et communication ELISE7 mins de lecture
Pour les plus pressés
La gestion des déchets dangereux obéit à un cadre légal européen et français très strict.
Les entreprises qui produisent ou détiennent des déchets dangereux doivent pouvoir les caractériser précisément.
Elles doivent mettre en œuvre leur gestion de façon à éviter tout risque sanitaire ou environnemental : les déchets doivent être étiquetés, stockés, enlevés et traités selon des conditions précises définies par le code de l’environnement.
Les entreprises doivent assurer la traçabilité des déchets dangereux, notamment via la plateforme Trackdéchets.
Savoir caractériser et classifier un déchet dangereux
La gestion des déchets dangereux en entreprise ne s’improvise pas. La réglementation est stricte, et les enjeux sanitaires et environnementaux sont élevés. C’est un sujet complexe : au moindre doute, l’entreprise ne doit pas hésiter à se faire accompagner.
Tout producteur ou détenteur de déchets dangereux assume la responsabilité de sa gestion, dans le respect des règles établies et dans le but d’éviter au maximum tout impact possible sur la santé ou l’environnement.
Les produits dangereux sont variés, et les entreprises qui les utilisent également. Une cartouche d’encre d’imprimante, un aérosol, un déchet d’appareil électrique ou électronique, des piles, des solvants ménagers… Tous ces produits relèvent des déchets dangereux. Une entreprise de propreté manipule des solvants et des détergents et doit pouvoir vérifier si ces produits entrent ou non dans la catégorie des produits dangereux au moment de leur élimination. Une entreprise qui utilise des lubrifiants dans ses outils industriels est aussi amenée à utiliser des substances qui ne peuvent pas être éliminées avec les déchets du quotidien.
Une définition encadrée par l’article R541-8 du code de l’environnement et par la directive européenne 2008/98/CE
Les déchets dangereux sont les déchets qui contiennent une ou plusieurs substances nocives pour la santé et/ou pour l’environnement.
Ces déchets sont définis précisément par la réglementation :
à l’article R541-8 du code de l’environnement
cet article fait lui-même référence à la directive européenne 2008/98/CE (1).
Cette directive européenne énumère et définit une liste de 15 propriétés, classées de HP1 à HP15. Un produit en fin de vie qui présente une ou plusieurs de ces propriétés est considéré comme un déchet dangereux.
Liste des propriétés qui rendent un déchet dangereux
À noter
Des règles spécifiques existent pour certaines catégories de déchets dangereux : c’est le cas des POP (PCB, PCT) et de l’amiante.
Les Polluants organiques persistants (POP) sont encadrés par la convention internationale de Stockholm de 2001 et par la réglementation européenne (2). Parmi les POP, les PCB sont interdits d’usage depuis 1979 et il est interdit de détenir des appareils qui en contiennent depuis 2010. Tous appareils contenant des PCB doit impérativement être déclaré (inventairepcb.ademe.fr ; article R543-17 du code de l’environnement).
Des déchets bien codifiés
Par ailleurs, pour définir un déchet dangereux avec précision, il existe une nomenclature européenne des déchets établie par la commission européenne le 3 mai 2000 à laquelle il faut se référer. Cette liste est codifiée : un code à six chiffres est rattaché à chaque type de déchet et une astérisque (*) signale les déchets dangereux.
Attention : un déchet peut se retrouver dans deux catégories distinctes, l’une considérée comme dangereuse et l’autre non. Cela peut être le cas d’un déchet issu du BTP, qui entre dans la catégorie des isolants : certains isolants sont dangereux (amiante), d’autres non. En ce cas, il faut vérifier la présence d’une des 15 propriétés de danger dans le produit pour bien classer le déchet, dans le cas de notre exemple soit sous le code “isolant dangereux” (code 17 06 01 pour l’amiante, code 17 06 03 pour les autres substances dangereuses), soit sous le code “isolant non dangereux” (code 17 06 04).
Exemple
Codification de déchets
les deux premiers chiffres correspondent à une grande catégorie d’activité ;
les deux suivants à une sous-catégorie ;
les deux derniers qualifient précisément le déchet.
Ainsi pour le code 15 01 01 :
15 correspond aux “emballages et déchets d’emballages, absorbants, chiffons d’essuyage, matériaux filtrants et vêtements de protection non spécifiés ailleurs”.
15 01 correspond aux “emballages et déchets d’emballages (y compris les déchets d’emballages municipaux collectés séparément)”.
15 01 01 correspond aux emballages en papier/carton (non dangereux)
15 01 10* est suivi d’une astérisque, les déchet de cette catégorie sont donc considérés comme dangereux, il s’agit des “emballages contenant des résidus de substances dangereuses ou contaminés par de tels résidus”
Des règles strictes pour le traitement de ces déchets
Un emballage et un étiquetage spécifique
Pour bien identifier les produits dangereux, les règles européennes leur imposent un conditionnement et un étiquetage dédiés (règlement CLP pour les produits chimiques). L’étiquette doit ainsi faire apparaître :
les coordonnées du fabricant
le nom et le code d’identification du produit dangereux
des pictogrammes signalent la présence d’une ou de plusieurs propriétés dangereuses
des avertissements et des mentions de danger
des conseils de prudence et de conduite à tenir.
Le conditionnement ou l’emballage doit être dans un matériau que le contenu ne peut pas endommager et doit empêcher tout risque de fuite.
L’interdiction de mélanger les déchets dangereux
Les entreprises qui produisent ou détiennent plusieurs types de déchets dangereux ne peuvent pas les mélanger avec d’autres déchets ou d’autres objets ou substance. Les déchets dangereux doivent être traités à part.
Il existe des cas de dérogation : les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) peuvent demander une autorisation pour mélanger les déchets dangereux, dans des conditions très cadrées. Elles doivent constituer un dossier complet qui décrit l’ensemble des procédures mises en place pour garantir la sécurité sanitaire et environnementale tout au long du traitement des déchets dangereux.
Stocker, collecter, trier les déchets dangereux
Les déchets dangereux qui seraient stockés dans l’entreprise en attente de leur collecte doivent l’être :
dans des contenants résistants ;
dans les mêmes conditions de sécurité de stockage que les produits dangereux (espace ventilé, aménagement qui limite les risques de pollution des sols ou de l’eau en cas de déversement accidentel, etc.).
La collecte des produits dangereux doit être régulière pour limiter leur stockage sur site et les risques associés.
Les déchets dangereux doivent être acheminés vers des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) habilités à les prendre en charge. Ils seront ensuite traités, dans le respect de la hiérarchie du traitement des déchets : ce n’est pas parce qu’un déchet est dangereux qu’il ne peut pas être recyclé ou valorisé.
Assurer la traçabilité des déchets dangereux
Enfin, les déchets dangereux font l’objet d’un suivi strict. Toute entreprise qui produit ou détient un déchet dangereux ou des déchets contenant des POP est tenue de le déclarer. Les entreprises qui collectent, reconditionnent ou transforment ces déchets doivent également le déclarer.
Cette déclaration s’effectue via un bordereau de suivi des déchets dangereux. Depuis le 1er janvier 2022, la déclaration est dématérialisée sur le site Trackdéchets (3).
Sur cette plateforme officielle, les entreprises déclarent :
la quantité, la nature et l’origine des déchets produits ;
la destination, la fréquence de collecte, le moyen de transport, le mode de traitement ou d’élimination prévu du déchet.
Il est obligatoire de déclarer sur Trackdéchets les déchets d’amiante, de fluide frigorigènes, les déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI) et les déchets des véhicules hors d’usage.
Dans certains cas, l’entreprise n’est pas obligée de déclarer le déchet, mais elle doit tenir un registre de suivi :
pour les huiles usagées, si elles sont remises à un collecteur d’huiles usagées ;
pour les entreprises soumises aux obligations des filières à responsabilité élargie du producteur, dans ce cas ce sont les règles de collecte de la filière qui s’appliquent ;
si l’entreprise a l’autorisation de déposer les déchets dangereux en déchèterie ;
si l’entreprise a l’autorisation de remettre ses déchets dangereux à un collecteur de petites quantités de déchets dangereux.
Le registre de suivi se conserve 3 ans et notifie la quantité, nature et origine des déchets produits, ainsi que les opérations qui permettent de réutiliser les déchets, la fréquence de collecte, le moyen de transport et le mode de traitement des déchets.
Quelles sanctions en cas de non-respect de la réglementation sur les déchets dangereux ?
L’article L541-46 du code de l’environnement détaille les sanctions encourues en cas de non-respect des obligations en matière de gestion des déchets dangereux.
La sanction est la suivante :
4 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende ;
si l’infraction est commise en bande organisée, la peine s’élève à 8 ans de prison et 500 000 euros d’amende
Cette sanction vaut notamment pour :
l’absence de déclaration relative aux déchets dangereux ;
les déclarations erronées ;
le non-respect des règles spécifiques de gestion des déchets dangereux ;
les dépôts sauvages ou la remise de ses déchets à des installations non autorisées à les traiter.
L’article prévoit aussi que le tribunal peut ordonner :
la remise en état des lieux endommagés par les déchets ;
la fermeture temporaire ou définitive des installations qui opèrent sans autorisation ;
trois ans d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende en cas de dépôt sauvage ou de dépôt dans une installation non conforme, si le dépôt expose directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque d’atteinte grave et durable.
Article rédigé par Stéphanie Brassart
Depuis 10 ans, Stéphanie Brassart pilote chez ELISE, des initiatives alliant engagement environnemental et responsabilité sociale. Son engagement profond pour la protection de l’environnement et la création d’emplois en faveur de personnes en situation de handicap se traduit par le rayonnement d’ELISE au niveau national.
Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives. Disponible à : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32008L0098
2
Règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants. Disponible à : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32019R1021
3
https://trackdechets.beta.gouv.fr/
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