Qu’est-ce que la responsabilité élargie du producteur ?
En France, 24 filières à responsabilité élargie du producteur doivent assumer la responsabilité du cycle de vie de leurs produits. Découvrez les obligations et le fonctionnement de ce mécanisme.
Mis à jour le 20 mai 2025Stéphanie Brassart - Responsable marketing et communication ELISE8 mins de lecture
Pour les plus pressés
Les 24 filières à responsabilités élargies du producteur doivent contribuer à la gestion de l’ensemble du cycle de vie de leurs produits.
Elles fonctionnent selon le principe du pollueur-payeur : elles versent une contribution financière qui varie selon la nature de leur produit. Plus le produit pollue, plus la contribution est élevée.
Les filières REP s’appuient sur des éco-organismes pour remplir leurs obligations.
La loi Antigaspillage pour une économie circulaire a renforcé les obligations des producteurs des filières REP.
Filière à responsabilité élargie du producteur : de quoi parle-t-on ?
Le principe de responsabilité élargie du producteur rend les producteurs responsables de la gestion de la fin de vie de leurs produits. Ce principe traduit dans le droit l’expression “pollueur-payeur” : celui qui crée un produit doit payer sa collecte, sa valorisation, son recyclage, et plus le produit pollue, plus le prix à payer est élevé.
Les entreprises des filières REP sont donc considérées comme responsables :
du financement de la fin de vie de leurs produits ;
de l’organisation de la prévention des déchets dans leur filière ;
de la gestion en elle-même des produits en fin de vie.
Pour assurer leur obligation de gérer la fin de vie de leurs produits, les acteurs économiques des différentes filières à responsabilité élargie du producteur doivent intégrer le coût de la gestion de la fin de vie de leur produit dans le coût du produit en lui-même. Or plus le coût de la valorisation du produit est élevé, plus les répercussions sur le prix du produit sont importantes : le principe du pollueur-payeur vise donc à inciter les acteurs économiques à concevoir des produits plus simples à recycler ou à valoriser.
Quelles sont les filières existantes ?
Il existe 24 filières REP en France, créées entre 1992 et 2024 (voir le tableau).
Illustration 3518- Graphique sur les filières REP et dates de mise en œuvre opérationnelle Sources : Ademe (novembre 2022)
Évolutions réglementaires des filières REP
En droit français, la prise en charge de tout ou partie de la gestion des déchets par les acteurs économiques apparaît dans la loi en 1975, une disposition inscrite dans le code de l’environnement à l’article L 541-10.
Le droit européen s’empare de la notion pour la filière des emballages ménagers. Cela se traduit en droit français par le décret du 1er avril 1992 relatif aux emballages ménagers qui crée la toute première filière REP, celle des emballages ménagers.
Cependant, c’est la France qui, au niveau européen, utilise le plus le dispositif de la REP : la loi AGEC, en 2020 crée 11 nouvelles filières REP et renforce ce modèle en créant de nouvelles obligations (1).
Comment fonctionnent les filières REP en pratique ?
Les entreprises des différentes filières REP ont le choix entre deux modèles pour remplir leur obligation :
soit elles adhèrent à un éco-organisme chargé, en leur nom, de gérer leurs obligations ;
soit elles développent un système individuel.
Aujourd’hui, la plupart des filières REP s’organisent autour d’un ou de plusieurs éco-organismes.
La règle de l’éco modulation : une contribution financière à la hauteur de la contribution environnementale
Il existe une vingtaine d’éco-organismes en France actuellement. Les entreprises des filières REP versent une contribution financière à l’éco-organisme. Le montant de cette contribution varie selon le coût du traitement des produits arrivés en fin de vie, c’est ce qu’on appelle l’éco-modulation :
Si le produit intègre dans sa fabrication des critères environnementaux, il bénéficie d’un “bonus” : le coût de la contribution baisse.
Si le produit est à l’inverse polluant, la contribution sera plus élevée.
À noter
En 2022, les filières REP ont versé une contribution totale de 1,8 milliard d’euros.
Une somme qui sert à la collecte et au traitement des déchets, à couvrir une partie du coût de la collecte pour les collectivités, mais aussi désormais à financer les fonds de réemploi et de réparation dans six filières REP, ainsi que la recherche et l’innovation pour améliorer l’éco-conception et la valorisation des produits en fin de vie.
La contribution des filières REP pourrait s’élever à 5 milliards d’euros lorsque la totalité des nouvelles filières REP créées par la loi AGEC seront opérationnelles.
Le fonctionnement de principe des éco-organismes
Les éco-organismes sont financés par ces contributions. Ils ont la charge de remplir la totalité des obligations qui incombent aux acteurs économiques adhérents, et notamment la prévention, la collecte, le tri, le recyclage des déchets.
Pour cela, les éco-organismes ont deux possibilités :
un modèle contributif et financier, les éco-organismes versent les contributions perçues aux collectivités territoriales et aux opérateurs de tri et de collecte des déchets, pour les financer ;
un modèle opérationnel : ils contractualisent eux-mêmes avec des prestataires de collectes qui organisent la collecte et le tri des déchets.
Des filières REP mieux organisées et supervisées depuis la loi AGEC
Ils doivent bénéficier d’un agrément du ministère de la transition écologique pour pouvoir opérer, agrément qui n’est délivré que si l’éco-organisme peut remplir un cahier des charges qui définit des objectifs précis de gestion de la fin de vie des produits.
Chaque filière REP a son propre cahier des charges, car toutes ne sont pas au même niveau de maturité pour la collecte et la valorisation des déchets. L’ADEME est chargée de superviser les filières REP et notamment de mesurer les résultats obtenus.
Quelles sont les obligations des entreprises des filières REP ?
Organiser la collecte, le tri et la valorisation des produits de la filière
Chaque entreprise doit vérifier si les produits qu’elle fabrique ou distribue entre dans le cadre d’une filière REP. Il faut être attentif : si l’entreprise utilise et distribue des emballages plastiques à ses clients, elle entre dans le cadre de la REP emballages ménagers.
L’entreprise verse l’éco-contribution associée à ses produits à l’éco-organisme agréé pour sa filière.
Exemple
Une entreprise familiale de 40 personnes fabrique des meubles neufs.
Elle est soumise à la filière à responsabilité élargie du producteur de l’ameublement. Elle verse son éco-contribution à l’un des éco-organismes suivants : Ecomaison, Valdelia ou Valobat. Ces éco-organismes se chargent de la collecte, du tri et de la valorisation des produits. Si cette même entreprise distribue des meubles de seconde main, elle n’est pas soumise à la REP pour ces produits en particulier.
Créer un plan quinquennal d’écoconception des produits (loi AGEC)
Parmi les nouvelles obligations introduites par la loi AGEC, les filières REP ont vu s’étendre leurs responsabilités à la gestion de l’ensemble du cycle de vie de leurs produits.
La loi impose donc aux filières REP de créer un plan quinquennal d’écoconception de leurs produits, soit pour améliorer la prise en compte de matières recyclées dans leur fabrication, soit pour qu’ils se recyclent plus facilement. Les éco-organismes peuvent contribuer à l’élaboration de ces plans, mais ce sont bien les entreprises qui devront les mettre en œuvre.
Créer le fonds réparation et fonds réemploi
Les filières REP financent les fonds réparation et réemploi à travers les éco-organismes.
Le fonds de réparation vise à réduire le coût d’une réparation pour le consommateur final (ce qui se traduit par un “bonus réparation” pour le consommateur) lorsqu’il fait réparer ses produits (plutôt que les remplacer). Le fonds réemploi soutient, quant à lui, les acteurs de l’économie sociale et solidaire qui donnent une seconde vie aux produits. Les filières concernées versent 5 % de leur contribution à ce fonds.
Les deux fonds sont pilotés par les éco-organismes.
Gérer les invendus non alimentaires
Enfin, les filières REP sont soumises à l’interdiction de détruire les invendus non alimentaires tel que le prévoit la loi AGEC. Elles doivent donc organiser aussi la gestion de ces invendus.
Panorama des principales filières REP existantes en France en 2024
Le tableau reprend les principales filières REP obligatoires établies en France en 2024 (2).
Le tableau ne reprend pas les filières à venir : chewing-gum, textiles sanitaires à usage unique, engins de pêche contenant du plastique, aides techniques.
Quels sont les risques pour une entreprise qui ne respecterait pas la responsabilité élargie du producteur ?
La loi AGEC a renforcé les sanctions contre les producteurs et les éco-organismes qui ne respectent pas leurs obligations. Ces sanctions peuvent être appliquées par le ministère de la transition écologique.
L’article article L. 541-9-5 du code de l’environnement prévoit :
une amende qui peut atteindre jusqu’à 7 500 € par unité ou tonne de produit mis sur le marché ;
le paiement d’une astreinte journalière pouvant atteindre 20 000 € ;
une amende supplémentaire pouvant atteindre 30 000 € dans les cas suivants :
le producteur n’est pas enregistré sur le registre SYDEREP tenu par l’Ademe ;
le producteur n’a pas correctement renseigné les informations demandées sur le registre ou a fourni des données erronées ;
le producteur n’a pas fait figurer son identifiant unique dans les supports qui doivent le mentionner.
Les éco-organismes (ou les systèmes individuels mis en place par les producteurs) encourent les sanctions suivantes s’ils ne respectent pas leurs obligations (article L 541-9-6 du code de l’environnement) :
une amende administrative pouvant atteindre au maximum 10 % des éco-contributions perçues ,
l’obligation de consigner une somme correspondant au montant des mesures nécessaires au respect du cahier des charges, qui pourra être utilisée pour exécuter d’office ces mesures ;
le paiement d’une astreinte journalière pouvant atteindre 20 000 € ;
la suspension ou le retrait de son agrément.
Le fait de ne pas atteindre les objectifs de prévention ou de gestion des déchets ne constituent pas un manquement aux obligations en tant que tel pour l’éco-organisme. Néanmoins, il doit :
mettre en oeuvre un plan de rattrapage ;
lui allouer 150 % des moyens qui auraient dû être alloués pour atteindre les objectifs.
L’absence de présentation de ce plan peut être sanctionné par une amende, une astreinte, une suspension de l’agrément.
Article rédigé par Stéphanie Brassart
Depuis 10 ans, Stéphanie Brassart pilote chez ELISE, des initiatives alliant engagement environnemental et responsabilité sociale. Son engagement profond pour la protection de l’environnement et la création d’emplois en faveur de personnes en situation de handicap se traduit par le rayonnement d’ELISE au niveau national.
Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, consultable en ligne à l’adresse https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041553759 (site consulté le 24/07/2024)
2
Selon le site de l’ADEME dédié aux filières REP, https://filieres-rep.ademe.fr/, consulté le 24 juillet 2024. Ce site rassemble notamment des données en open-source sur la collecte et la valorisation opérée par chaque filière REP.
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